samedi 31 mars 2012

La Terre outragée ou la tragédie d'un peuple

La Terre outragée La Terre outragée revient sur la catastrophe nucléaire de Tchernobyl qui a obligé tout un peuple à quitter sa terre sans regarder en arrière. Michale Boganim met en scène, avec une grande sobriété, la tragédie du déracinement, thème qui aurait mérité un peu plus d'emportement.


La Terre outragéeLe 26 avril 1986 la centrale nucléaire de Tchernobyl, située en Ukraine explose, en même temps celle de toutes les âmes vivantes aux alentours. C'est la nature qui réagira la première, sans aucun son, le pommier que le petit Valéry vient de planter meurt, les animaux cherchent une issue et la pluie devient noire. Aucun mot concernant la catastrophe ne sera d'ailleurs prononcé par les autorités, pendant 3 longs jours, car « les pires choses se passent sans bruit ». Le pire, c'est à travers l'histoire de deux habitants de Pripiat (à quelques kilomètres de Tchernobyl), Anya et Valery qui verront tous les deux leur vie bouleversée par la catastrophe, que nous le vivrons. Anya, en perdant Piotr, parti éteindre l'incendie de la centrale, le même jour qu'elle l'épousera et Valery, 6 ans, qui lui perdra son père ingénieur, rendu fou par l'ampleur tragique de l'événement.

La Terre outragéeMichale Boganim signe un film d'une grande sobriété. Comme la centrale, qui n'a pas fait de bruit lorsqu'elle a explosé, la mise en scène semble chuchoter, comme en avançant sur des œufs, elle n'emprunte jamais le chemin du sentimentalisme ou de l'emportement affectif. L'intrigue, composée pourtant à partir d'une matière hautement tragique, ne se focalise pas sur l'accident ou sur le nombre d'âmes perdues, mais sur le sentiment de déracinement de tout un peuple. Anya ne saisira pas la chance qui lui est donnée de partir en France, car « la zone est son territoire ». Le drame qui se noue est celui des hommes à qui l'on a arraché la terre, et qui, 10 ans plus tard, ne vivent que pour la retrouver. Cette thématique centrale, offre la plus belle scène du long-métrage, dans laquelle, Valéry, 16 ans, dans un discours déchirant devant les autres élèves de sa classe, parle de ce passé comme d'« un pays étranger qui ne le quitte pas ».

La Terre outragéeCette scène est l'une des plus belles, car, c'est peut-être l'une des seules, sinon la seule, à se laisser aller à un peu de transports. La Terre outragée, souffre en effet de la trop grande retenue de la mise en scène. La volonté de la réalisatrice de ne pas se laisser absorber par la dimension tragique du sujet qu'elle traite, fait tomber le film dans le travers inverse, le manque d'émotion. On a alors du mal à vraiment s'attacher aux personnages et ressentir le combat qui les habite. Le terrible de la situation n'émerge jamais vraiment, emprisonné dans une mise en scène trop en retenue. Cette dernière aurait en effet pu se permettre quelques emportements, aux vues de la force du sujet qu'elle traite et qui nous habite tous un peu.

Par Camille Esnault

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