Ici-bas : Première critique mise en ligne sur toutlecine.com
Ici-bas ou le récit d'une passion sans emportement (2,00)
Après Les blessures Assassines, nommé aux César en 2000, Jean-Pierre Denis adapte l'histoire vraie de Sœur Philomène, qui, en 1943, renonça à Dieu par amour. D'un sujet brûlant, le réalisateur tire une fiction bien tiède, que l'on traverse sans tumulte.
Sœur Luce est une exemple pour toutes les sœurs du couvent. Entièrement dévouée à Dieu, elle l'est tout autant aux hommes et soigne aussi bien les soldats Allemands, que les résistants réfugiés dans la maquis pendant la guerre 39/45. Elle fait figure de sainte au sein d'un couvent, dans lequel même les nonnes sont touchées par le pêché. Mais cette foi, qui semble inébranlable, ne résistera pas à la passion dévorante qu'elle éprouvera pour Martial, un ancien aumônier, passé dans les rangs de la résistance.
Ici-bas n'est pas le récit d'une histoire d'amour entre deux êtres, mais celui du parcours de deux personnages face à leur foi. Celui de Martial, jeune aumônier, que les horreurs de la guerre ébranlent, car « comment continuer à croire dans un tel chaos? ». Martial choisit les hommes et dans le même mouvement abandonne Dieu. Celui de Sœur Luce est construit en miroir inversé. Si elle tombe amoureuse de Martial, c'est parce qu'elle envisage cet amour comme le prolongement de celui qu'elle éprouve pour Dieu. C'est, avant tout, avec le tout puissant que Sœur Luce vit une histoire d'amour. Histoire qui sera scellée dès son enfance, et dès la première scène, par un baiser déposé sur un crucifix. Contrairement au personnage de Martial, elle abandonnera Dieu et les hommes, ou plutôt ce sont les hommes qui l'abandonneront. Car, si elle offre son âme et également son corps à Martial, celui-ci, la rejette, comme il l'a fait avec ce Dieu qui l'a abandonné. De ce rejet, elle ne se relèvera pas et amorcera seule sa descente aux enfers. La religieuse exemplaire se laissera alors happée par la haine, en même temps qu'elle décrochera le crucifix accroché au mur de sa chambre.
Toute la place est faite au jeu des acteurs. Céline Sallette (Sœur Luce) se révèle dans les scènes tragiques, dans lesquelles la douleur va jusqu'à lui déformer les traits du visage et désarticuler son corps. Eric Caravaca (Martial), lui, propose une interprétation tout en nuances, d'un homme profondément tourmenté, qui, bien que responsable de la perte du personnage de Céline Sallette, ne nous apparaîtra jamais antipathique. Mention particulière à Adeline d'Hermy (Sœur Camille), qui apparaît seulement dans quelques séquences, et réussit à nous bouleverser, notamment dans le plan qui la montre récitant un verset de la Bible. Jean-Pierre Denis nous offre une réflexion sur la foi dénuée, de toute fioriture. La nature Périgourdine est tout aussi austère, que le couvent dans lequel évolue les religieuses. Le réalisateur ne fait pas de grands effets, se contente de raconter les faits bruts en les habillant quelques fois du son d'un violoncelle, imaginé par le compositeur Michel Portal ( Le Retour de Martin Guerre.)
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